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comprendre le phénomène étrange de Pinkydoll


Du Rolling Stone au New York Times en passant par les réseaux sociaux d’Elon Musk et du rappeur Timbaland, une Québécoise attire l’attention de partout depuis qu’elle publie d’étranges vidéos sur TikTok. Curiosité ? Tendance fétichiste ?

« Ice cream so good », « ice cream so good », « balloon », « gang gang », « yes yes yes », « oh, what is that ? »

En direct sur TikTok, pendant des heures d’affilée, Pinkydoll fixe la caméra en répétant des phrases étranges d’une voix feutrée et robotique. Elle tient d’une main un fer à repasser compressant un grain de popcorn, et de l’autre, elle fait des gestes, répétitifs eux aussi, comme feindre de faire éclater des ballons avec ses longs ongles ou faire tourner un lasso imaginaire.

Bienvenue dans l’univers de Pinkydoll, qui, depuis le début du mois, fait sensation sur le réseau social TikTok. Pinkydoll – de son vrai nom Fedha Sinon – a 27 ans et elle vit à Montréal. Elle s’installe devant sa caméra et réagit aux « cadeaux » numériques que les utilisateurs lui envoient et qui défilent à l’écran sous forme d’autocollants : une rose, une galaxie, une couronne de fleurs. À chaque icône, elle prononce une phrase, sur le même ton, avec le même geste, comme une poupée.

Et parmi les personnes qui la suivent, on compte le rappeur américain Timbaland (qui lui envoie des autocollants luxueux) et même Elon Musk, qui, si on se fie à sa publication sur Instagram, est bien au fait de l’existence de la TikTokeuse. Oppenheimer.

Au New York Times, Fedha Sinon a affirmé empocher de 2000 $ à 3000 $ par séance. Ses plateformes – TikTok et OnlyFans – lui rapporteraient jusqu’à 7000 $ par jour. Il s’agit d’une augmentation de salaire spectaculaire pour cette mère de famille, qui s’est tournée vers TikTok en début d’année après avoir perdu son entreprise d’entretien ménager. Pinkydoll n’a pas répondu à nos demandes d’entrevue.

Une tendance japonaise

VIDEO: La face sombre derrière le contenu NPC sur TikTok
Le Parisien

Pinkydoll est l’icône de l’heure de la diffusion en direct NPC, la tendance sur TikTok. NPC est le sigle de « non-player character », ou personnage non jouable en français. Il s’agit de ces personnages de jeux vidéo qu’on ne peut contrôler et qui sont généralement scénarisés. « Si je parle au personnage, il va me répondre avec des phrases prédéterminées par les auteurs du jeu », explique Bio Jade Adam Granger, vice-présidente de l’équipe éditoriale d’Ubisoft.

À l’époque où l’intelligence artificielle était plus basique, les NPC avaient une attitude et des dialogues très robotiques et très répétitifs, note Bio Jade Adam Granger. « On peut penser à un personnage qui oscille de droite à gauche sans arrêt ou qui dit la même chose quand je lui donne un morceau de fromage », illustre-t-elle. Le mouvement est exagéré pour être visible à travers les graphiques.

Bien qu’elle crée ses propres mouvements, Pinkydoll n’est pas l’unique streameuse NPC (plusieurs instavidéastes tentent leur chance en ce moment !) ni même la première. La tendance est plutôt attribuée à une créatrice de contenu japonaise, Natuecoco, qui personnifie une poupée inspirée du manga sur les réseaux sociaux depuis plusieurs années.

Elle a commencé à faire des séances en direct dès 2021, réagissant aux icônes que ses abonnés lui envoient. Au magazine Insider, Natuecoco (qui ne divulgue pas son vrai nom) a expliqué avoir créé des mouvements pour bâtir un « pont de communication » entre elle et le public.

Monétisation

VIDEO: Elle gagne 10 000 euros par jours sur Tik Tok : Pinkydoll
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Ce « pont de communication » demeure lucratif, tant pour les quelques tiktokeurs comme Pinkydoll qui arrivent à tirer leur épingle du jeu que pour la plateforme elle-même. En fait, note Emmanuelle Parent, directrice générale et cofondatrice du Centre pour l’intelligence émotionnelle en ligne, le concept est « collé » au principe de monétisation de TikTok.

TikTok s’est inspiré de la plateforme Twitch pour créer une monnaie (les autocollants) que ses utilisateurs achètent pour les offrir à leurs créateurs de contenu préférés. Les plus petits cadeaux (comme la rose et le cornet de crème glacée) coûtent 2 cents, tandis que les plus gros peuvent valoir jusqu’à 800 $. Et TikTok empoche environ la moitié de ces sommes, souligne Emmanuelle Parent. « Le créateur de contenu sur TikTok accumule ces cadeaux et il peut les convertir en diamants pour retirer de l’argent », explique-t-elle. Comme Pinkydoll manie très bien le concept, « elle va probablement être beaucoup recommandée par les algorithmes », note Emmanuelle Parent.

À l’autre bout du spectre, la chanteuse américaine Selena Gomez s’est déjà étonnée de voir défiler ces cadeaux à l’écran, demandant à ses fans d’arrêter de payer pour ça.

Pourquoi ?

VIDEO: PINKYDOLL est devenue la FEMME DE SES RÊVES grâce à ça. | Divine Ilunga
Divine Ilunga

On peut comprendre pourquoi Pinkydoll s’adonne à ces chorégraphies télécommandées, mais une question demeure : pourquoi les gens regardent-ils ces vidéos ?

La créatrice TikTok Christina Labelle admet avoir déjà visionné des vidéos de streameuses NPC asiatiques, l’hiver dernier, lorsqu’elles ont surgi sur son fil TikTok. Elle était surtout « intriguée » par la gestuelle, qui rappelle celle d’un robot.

« Après réflexion, je pense qu’il y a quelque chose de très ASMR là-dedans », dit-elle. L’ASRM (de l’anglais Autonomous Sensory Meridian Response) est cette sensation agréable qui peut être déclenchée par des vidéos de relaxation sur l’internet. « C’est dans le contemplatif, dans le répétitif. Tu mets un peu ton cerveau à off », souligne Christina Labelle.

Peut-être, aussi, que les internautes attendent les moments où les tiktokeurs décrochent de leur personnage, suggère-t-elle. Sur TikTok, des utilisateurs ont republié des extraits où Pinkydoll interpelle son fils pour qu’il arrête de déranger le chien ou pour qu’il aille se coucher.

Les journalistes qui ont couvert le phénomène – Forbes, New York Times, Rolling Stone – ont évoqué le côté sexuel, voire « fétichiste » des vidéos de Pinkydoll. Aux yeux de la sexologue Laurence Desjardins, Pinkydoll combine trois aspects qui ne sont pas anodins : son côté juvénile (« elle semble utiliser un filtre qui la rend très polie, très numérique »), son côté sexy (« elle tire la langue et ses seins rebondissent »), et on peut lui faire faire ce qu’on veut. « Timbaland lui envoie plein d’argent à travers des icônes, mais lui fait faire ce qu’il veut. C’est un esprit dominant, un esprit de contrôle », analyse-t-elle.

Selon Laurence Desjardins, il y a peut-être matière à se questionner sur les sources sexualisées déguisées dans les réseaux sociaux. « Timbaland peut regarder ça, mais un jeune de 13 ans peut aussi regarder ça sans que ses parents se rendent compte qu’il y a quelque chose de sexuel là-dedans », illustre Laurence Desjardins, qui voit aussi dans cette tendance quelque chose d’« un peu abrutissant ».

Christina Labelle, pour sa part, ne voit rien de particulièrement sexuel dans les gestes de Pinkydoll. « Je pense que toutes les femmes sur l’internet sont sexualisées, peu importe ce qu’elles font », conclut-elle.

Rectificatif
Une version précédente du texte disait qu’Elon Musk écoutait le direct de PinkyDoll pendant la projection du film
Oppenheimer. Il semble qu’il s’agissait plutôt d’une blague, reprise d’un autre compte Twitter.

Sources


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Author: Brian Hicks

Last Updated: 1703585403

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